Les ressorts de l’homosexualité sont-ils biologiques ou psychologiques ? Ni l’un ni l’autre répondent Samir et Enzo, deux de mes patients qui s’estiment victimes d’une malédiction inca !
Ces deux « oufs » au verbe haut, originaires de La Ciotat, participaient à l’émission de téléréalité Pékinois expresso, en Amérique latine. Ils n’avaient pas été longs à se coiffer de bonnets péruviens et à faire les zozos. Résultat, ils finirent derniers de la première étape et se virent contraints de passer une épreuve de rattrapage. Il fallait qu’ils réussissent à se faire offrir quelque chose par un péruvien. Or dans un pays pauvre où la moindre peau d’avocat est synonyme de centimes, il leur était très dur de s’attirer un don. Maladroitement, ils abordaient les gens :
-Ch’ais pas comment expliquer, c’est… faut trop que tu m’files un truc, j’te jure ! N’importe quoi steuplé vas-y assure !
Bref, ça commençait à sentir l’élimination ; quand soudain, ils entendirent une musique entraînante descendre une ruelle. C’était une procession d’un genre spécial. Sur un air de techno pourtant joué avec des instruments traditionnels (flûtes de pan et tout le bazar), des péruviens folkloriques faisaient déambuler une étrange momie bleutée. Samir et Enzo se joignirent au cortège, suivis par leur caméraman qui captait toutes leurs espiègleries. Ils commencèrent à parler à la momie sans se soucier des regards contractés par le mécontentement que leur lançaient les porteurs, de beaux garçons maquillés en arc-en-ciel.
-M’sieur la momie fais pas ta pute ! File-nous un quetru ! Ah c’est bon vas-y wallah t’es sympa…
Avec une outrecuidance toute marseillaise, ils venaient d’ôter son vêtement à la momie, un genre de débardeur en résille.
-Ça me fait trop plaiz sérieux de vous lâcher mon marcel, les g…
Mais Enzo n’eut pas le loisir de contrefaire la voix de la momie plus longtemps. Une arme traditionnelle l’assomma, ainsi que Samir et le caméraman.
Ils revinrent à eux dans une salle prestigieuse aux murs en blocs de pierres, dont beaucoup étaient savamment sculptés. Un roi sur son trône et sa cour de jeunes hommes les regardaient.
-Où sommes-nous ? demanda le caméraman.
-Vous vous trouvez dans le temple de la Lune. En cherchant à déshonorer Michou, notre momie bienaimée, vous avez transgressé nos lois sacrées sur le respect des minorités sexuelles.
-Mais trop pas ! se révolta Samir, qui avait conscience des limites à ne pas franchir, c’était juste pour goleri ! Wallah on voulait juste faire rire les téléspectateurs, montrer qu’on est des oufs de La Ciotat, tout ça. On s’excuse à mort, on voulait pas vous…
-Silence ! Vous avez violé notre culture. En représailles, nous allons vous violer vous, comme le veut notre ordre sacré.
-Putain c’est quoi c’délire ?! s’inquiéta Enzo. Caméraman, dis-moi que c’est la prod qui tripe !
Mais l’effroi sur le visage du caméraman offrit un démenti à ce naïf espoir.
-Qui êtes-vous ? demanda ce dernier au roi.
-Nous sommes les Michou-Pitchous. Nos ancêtres se sont réfugiés dans la Selva (la jungle péruvienne, n.d.l.m.b) pour fuir l’homophobie des conquistadors, et ils y ont bâti le temple où vous vous trouvez prisonniers. Ici, à l’abri des cons dans votre genre, nous adorons Michou, la momie bleue. Une fois par an nous la sortons et défilons. Vous avez gâché l’édition 2099 (selon le calendrier des dieux du temple, n.d.l.m.b) de notre procession.
-Je vous assure que l’intention de mes camarades n’était nullement de… commença à se désolidariser le caméraman ; avant d’être coupé par le roi des Michou-Pitchous.
-Quand ce sont Jésus ou Marie, qui processionnent, personne ne songe à leur arracher le pagne. Pourquoi le saint tricot de peau de notre vénéré Michou ne bénéficie-t-il pas du même respect ? Parce qu’il n’est pas hétéronormé, comme divinité ? Ce vêtement ajouré est sacré, comme tout ce qui regarde la personne de Michou, qui conduisit nos ancêtres dans le temple de la Lune pour échapper à l’épée de vos aïeux.
-Mais nous…
-Il suffit ! Vous serez sodomisés. Toutefois, nous vous laissons choisir le jour et l’heure de la sentence. Prenez le temps nécessaire pour comprendre l’étendue de votre faute. J’ai dit.
Samir, Enzo et le caméraman furent jetés dans une cellule. Les deux kakous paniquaient éperdument. Le caméraman fixait son attention sur n’importe quoi pour oublier leur compagnie. Il lut et relut un bout de journal qui traînait dans la cellule… La porte s’ouvrit avec fracas.
-Alors ? De combien de temps pensez-vous avoir besoin pour mûrir votre faute ?
-Nous souhaitons être sodomisés demain matin à 7h, déclara calmement le caméraman. Ses codétenus s’en étranglèrent.
-Mais ! t’es pas un peu con ? Puisqu’on pouvait choisir ! On aurait pu dire dans deux ans ça nous aurait laissé le temps de trouver un moyen de s’échapper !
-Demain dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne… Mais les candidats de téléréalité n’avaient pas la réf.
-A l’heure où blanchit ta mère, bouffon !
-Non écoutez-moi, les gars. J’ai un plan. Faites-moi confiance.
Le lendemain, sept heures moins le quart, les trois gaillards étaient menottés nus à quatre pattes à des totems.
-Qu’ils nous présentent leurs lunes ! ordonna le roi. Un Michou-Pitchou vint alors leur écarter les fesses et leur frotter l’anus avec du marc de café. Puis un sorcier agité, des feuilles de coca aux commissures, égorgea un lama. Il fit en sorte que le sang arrose les trois culs. Ensuite il éventra le camélidé et leur frotta l’anus avec le foie.
-Putain de ta mère, caméraman ! c’est quand dans ton plan de merde qu’on est sauvés ?
-Patience les gars ! ce n’est pas encore le moment.
Le sorcier leur passa énergiquement un long morceau d’intestin du lama dans le sillon fessier, comme si c’était du fil dentaire. Après quoi des guerriers Michou-Pitchous en érection s’approchèrent. Le caméraman déclara alors, très solennel :
-Ô Michou, ô puissant dieu de la Lune, veuille éclipser ceux-là qui veulent cueillir notre rose !
Puis il chuchota à ses compagnons d’infortune :
-Les mecs, quand vous sentirez leur gland approcher, vous forcez comme des brutes comme si vous vouliez caguer l’étron du siècle, pigé ? … attention… Maintenant !
En une fraction de seconde leurs bourreaux furent crêpis d’une diarrhée brunâtre, des embruns merdeux de la tête aux pieds et des morceaux de tortilla plein la queue. Le roi n’en crut pas ses yeux.
-Ils… ils commandent à leur lune ! au Dieu de la Lune ! Vite qu’on les libère ! Ce sont les Fils de la Lune !
Tous les Michou-Pitchous, le roi le premier, s’agenouillèrent devant eux.
-Comment pouvons-nous nous racheter auprès de vous, et de Michou ?
-Eh ben, vous pouvez nous filer un truc, n’importe quelle merde, répondit Enzo qui ne perdait pas le nord.
-Genre le gros cul en or que vous avez autour du cou ! précisa Samir.
Et devant la caméra ils firent dire au chef :
-Je remets aux valeureux Samir et Enzo, l’emblème de mon peuple.
*
-Ça déchire ! mais dis-nous caméraman, comment ça se fait que…
-Chuuuut… Dans notre prison, j’avais trouvé un bout de journal sur lequel il était écrit qu’il y avait une épidémie de gastro à Lima, où nous étions avant-hier. Compte tenu du temps d’incubation pour la gastro, je savais qu’on aurait la chiasse aujourd’hui à 7h précises. Je ne vous ai rien dit, il fallait du sang froid, ça aurait pu tout compromettre.
A leur retour en France, auréolés d’une honorable avant-dernière place à Pékinois expresso, tout se passait bien pour nos jeunes guedin. Du moins tant qu’ils se contentaient d’accrocher à tour de rôle la médaille du temple de la Lune au rétroviseur de leur Seat Ibiza. Mais quand ils la firent fondre pour s’en faire faire des gourmettes, un étrange dégoût des femmes les prit ; alors même qu’ils venaient de se mettre en ménage. Refondre les gourmettes pour reformer le cul sacré les avait bien sûr effleurés, mais Enzo a perdu la sienne à la plage. Ils attendent de moi que je rattrape le sortilège. Je leur ai plutôt conseillé d’investir dans un détecteur de métaux. D’ailleurs si cet été vous trouvez une gourmette en or de 600 grammes avec écrit Enzo en énorme, soyez aimable de m’en informer, je transmettrai.