La chatte de Frankenstein

La sexologie est une science molle, sans vouloir faire de jeu de mots. J’ai dans ma patientèle un savant fou qui me l’a bien fait sentir. Incapable d’appliquer mes conseils en matière de séduction, il a créé un truc cauchemardesque pour satisfaire sa libido !

Le professeur V. crevait d’envie de mettre Maureen, une femme de science sous ses ordres, dans son lit. Celle-ci l’admirait comme savant mais se refusait à lui car il n’avait aucune considération pour son travail à elle. C’est bien connu que les savants sont de grands misos, mais lui est le pire. Il n’écoutait jamais les analyses de Maureen, ses projets pour le labo. N’importe quel collègue masculin se faisait mieux entendre. Même par stratégie de séduction il ne savait pas feindre l’attention. J’aimerais vous inviter à dîner, une nouvelle paire de chaussures vous ferait-elle plaisir ? c’était tout ce qu’il avait à lui sortir lorsque elle venait lui parler de tel ou tel résultat.

C’est dire si elle avait des chances d’être séduite, quand bien même ce grand chercheur qu’est V. allait vaincre la faim dans le monde et la pollution liée à l’élevage avec sa viande in vitro révolutionnaire. Pour ce con la femme est un objet d’excitation, point. Il la résume à son sexe, prenant la partie pour le tout.

Or un vagin, voilà ce qu’il n’avait pas sous la main. Mais voilà aussi ce que grâce à son savoir en matière de viande de culture, il lui était possible de… faire pousser.

La chatte, juste la chatte, rien que la chatte, il ne voulait pas s’encombrer d’un zombi volubile tout entier ; la chatte, c’est le morceau qu’il préférait, comme d’autres le collier dans le bœuf.

Il se procura sans difficulté pratique ou morale des cellules de chatte à l’école de médecine, sur une prostituée fraîchement assassinée. Il les fit croître mélangées à du sérum fœtal bovin dans un incubateur qu’il installa dans son bureau situé au dernier étage du labo, où personne ne se risquait jamais. Il assembla cette pâte à modeler carnée sur un bassin en polystyrène acheté dans un magasin de fournitures artistiques. Ça ne se fit pas en un jour ; d’ailleurs, c’est la nuit qu’il allait à sa sinistre besogne, quand tout le monde avait quitté le labo.

A un moment, ça lui sembla fini. Il mit un coup de langue et regretta ne s’être pas assez soucié des propriétés organoleptiques (le goût de la chatte). Tout de même il pouvait être fier de lui. Nettement mieux que l’espèce de thermos japonais dans lequel il lui arrivait de se branler.

A propos de température, le mini réfrigérateur pour chambre d’étudiant dans lequel il conservait cette chatte de chevet ne convenait pas. En rabougrissant la chatte il en diminuait l’aspect, le mouillé, tuait le répondant. Une chatte vivante devait affronter la température ambiante.

Alors comme petit nid douillet, ce détraqué opta pour un cercueil à bébé qu’il vit en passant devant les pompes funèbres. Elle s’y trouva en effet bien, rendant tout de même un peu de sang, comme n’importe quel bout de bidoche en barquette. Le capitonnage blanc s’en imprégnait comme un tampon hygiénique, mais c’était très différent des menstruations, dont il n’avait d’ailleurs pas jugé utile de la doter.

Vint le moment où il osa la pénétrer. A l’émotion de l’obsédé s’ajoutait la fierté du savant. Ça marchait ! Ce vagin de synthèse s’animait de plaisir ! Quand V. eut joui, il avait déjà arraché plusieurs orgasmes 100% vaginaux à sa créature. Et d’avoir joui, elle était raffermie, l’ensanglantement général avait cessé.

V. ne quittait plus le laboratoire. La nuit il enfourchait sa fausse chatte, le jour il côtoyait, apaisé, son équipe et Maureen. Il n’avait plus l’esprit rivé sur l’entrecuisse de cette dernière, et en conséquence parvenait à l’écouter. Ce n’était pas si con ses conclusions. Les compliments qu’il lui adressait lui creusaient jour après jour une jolie fossette. Sans s’en rendre compte, en s’intéressant aux autres aspects de sa personne, V. la charmait, car ses pulsions sexuelles dormaient dans le cercueil avec son vagin d’appartement.

Dormait ? Pas si sûr, car la fausse teuche restait rassasiée de moins en moins longtemps après leurs « ébats ». Le soir quand il la retrouvait, elle bouillait tellement de désir que le cercueil sifflait comme une cocotte-minute. En faisant avec sa création comme si les femmes n’étaient qu’un sexe, il en avait exacerbé la nymphomanie. A l’inverse du monstre de Mary Shelley, la chatte du professeur V. n’avait pas la parole pour faire la morale à l’auteur de ses jours. Alors elle lui présentait par son incessant désir de baiser la dette qu’il avait envers elle. « Tu m’as créée pour jouir, alors je veux jouir ! » semblaient lui hurler les lèvres muettes mais gluantes de mouille.

Le problème, que l’on qualifierait abusivement de conjugal, était que le professeur V., s’éveillant de plus en plus, l’esprit débarrassé de son envie de fourrer, à la douce, subtile et intelligente Maureen, en vint à délaisser le vagin artificiel.

Un soir il remonta si émerveillé de sa journée d’échange avec Maureen qu’il s’allongea sur son lit de camp sans l’étreindre. La chatte en fusion dans sa boîte ne comprit pas. Elle voulait sa dose, démoniaque. A force de faire des bonds dans son cercueil elle en fit sauter le couvercle. Ricochant de-ci de-là à la force de ses musculeuses muqueuses, elle parvint à rejoindre la couche de V. et l’arracha à ses rêves de Maureen en cherchant son sexe sous les draps avec la vigueur d’un cochon truffier. Tout à sa Maureen, il bandait déjà et le mollusque n’eut qu’à s’empaler.

A partir de ce moment, s’étant senti violé et chosifié, V. jugea salutaire de faire un break avec sa créature. Il mit un cadenas au cercueil. Comment reprendre pleinement le contrôle ? S’en débarrasser ? L’abandonner dans la rue pour qu’un autre maniaque l’adopte ? La foutre tout simplement à la poubelle ? Il avait trop peur de se faire choper, qu’on apprenne en la trouvant à quoi il s’amusait dans son labo subventionné, et surtout peur de perdre l’estime de Maureen.

Il ne trancha donc pas la question. A vrai dire, sa relation avec Maureen, bien que platonique, le possédait au point d’oublier ce problème. Le diable dans sa boîte ne se rappela à son souvenir que le soir où, après une fructueuse journée de travail, Maureen voulut qu’il lui paye un verre dans son bureau. Elle était mûre !

Il prétexta devoir mettre une bouteille au frais pour qu’elle ne le rejoigne pas tout de suite. Il s’agissait de planquer dare-dare l’encombrant cercueil de nouveau-né et pas qu’à moitié. Oui, mais si la salope venait à siffler de chaleur du fond de son capitonnage, en plein pic romantique ? Cela faisait un petit moment qu’elle ne s’était pas manifestée, or si cela se produisait, une scientifique comme Maureen, curieuse de tout, voudrait savoir d’où ça vient…

Il s’arma donc d’un serre-livres, ouvrit le cercueil, prêt à l’écrabouiller et… eut l’estomac retourné. La chatte trop longtemps négligée était en état avancé de putréfaction. Autre chose que d’attendrissantes pertes blanches. Inutile de la tuer. Avant de claquer de dégoût le couvercle, il eut le temps de voir un ver blanc sortir de l’orifice faisandé !

Maureen toqua à la porte. Pris de panique V. bazarda tout par la fenêtre. Sans relever l’odeur de ce bureau de célibataire, Maureen, prit l’aspect tendu de V. pour de la gêne et se fit lascive pour deux.

La vision de la chatte pleine de pus le pourchassait trop pour lécher Maureen, qui elle venait de se fendre d’une tendre turlutte. Il chercha à l’honorer directos, en lut de la déception sur le visage de la belle rouquine. Redevenait-il le butor qu’elle n’avait que trop connu ? Son faciès en sueur exprimait les pires grimaces. Comment aurait-elle pu savoir qu’il luttait contre une abominable persistance rétinienne ? Etre pour de bon dans le minou de ses rêves ne changeait rien à l’affaire. Maureen avait devant elle un homme torturé lui donnant sans bander de violents coups de reins. Comme il suffit d’un nuage pour faire disparaître le soleil, elle oublia l’adorable et délicieux gentleman savant qui lui fit baisser sa culotte, pour ne plus revoir que le mufle autoritaire qu’elle le soupçonna soudain n’avoir jamais cessé d’être. Elle parvint facilement à s’échapper, il n’y avait rien à fuir qu’un pubis se frottant sans prise contre le sien ; le sexe exsangue de V., tel l’asticot d’il y a quelques minutes, était déjà hors du chaud fourreau.

Un chien dut manger la chatte avariée et un biffin s’emparer du mini cercueil ensanglanté car il n’y eut aucun scandale. Vacciné contre le sexe des femmes, V. lorgne désormais du côté de ses homologues masculins, sans être encore parvenu à ses fins avec aucun. D’ici qu’à force d’en concevoir de la frustration il nous fabrique un fion de Frankenstein…

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